Résumé :
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Le territoire sénégalo-mauritanien actuel, qui a reçu le nom de Fouta Toro 1, portait vers le Xe siècle de notre ère la dénomination de Tékrour, lequel était habité par diverses populations peul, berbère, maure, malinké, manding, soninké, wolof, serer, ainsi que toucouleur vraisemblablement. Le Tékrour de cette époque était surtout un agrégat de peuples, plus ou moins soumis à un même pouvoir monarchique. Ce pouvoir s'exerçait de manière effective ou nominale, selon les groupements constitutifs du pays: tel peuple, plus turbulent, détenait la «couronne», tandis que les groupes voisins subissaient sa domination. Mais, il est probable que la suzeraineté que s'arrogeait le plus puissant demeurait essentiellement provisoire, l'un quelconque des vassaux la remettant certainement en question, dès qu'il se sentait assez puissant pour réussir sa révolte. Le peu que l'on sait du Tékrour atteste l'anarchie permanente, due aux guerres sans trêve, qui affrontaient les peuples voisins mais ennemis. Le pouvoir procédait, avant tout, de la force dont on disposait, le conquérant de la veille cédant la place à celui du lendemain, et ainsi de suite. Entre le XIe et le XIIe siècles, ce Tékrour anarchique sera facilement dominé par l'empire soninké du Ghana, puis annexé non moins aisément par l'empire manding du Mali. Au cours du XVIe siècle (1512 ?), le Pullo Denyanke 2 Koli Teŋella Baa met fin à l'hégémonie manding, par une conquête généralement réputée sanglante. Originaire de Bajar (Badiar, en pays manding), à moins que ce ne soit de Jaara (Diara), venu en tout cas de l'Est à la tête de 3.333 hommes, Koli reprend le Tékrour à ses maîtres manding, et rebaptise le pays conquis du nom de sa propre contrée d'origine, à savoir le Fouta (Kingi), dont la capitale était Jaara précisément. L'ancien Tékrour devient alors Fouta Tooro avec Koli Teŋella pour souverain, sous le titre de Satigi ou Siratik, ou encore Selatigi (le guide en malinké). Cette dynastie païenne des Satigi connaîtra deux siècles et demi d'existence. Sa capitale, d'abord Silla — s'agit-il du village du même nom, situé sur la rive gauche du fleuve Sénégal, à une dizaine de kilomètres en amont de KayhayDi (Kaédi) ? — se serait ensuite déplacée vers le déclin de la dynastie à HorkaJere (Orkadiéré), sis à une soixantaine de kilomètres environ au sud-est de Matam, sur la route menant à Bakel. Quoi qu'il en soit, les deux capitales présumées sont distantes de plus de 100 km, et l'histoire ne semble pas avoir retenu la raison de ce déplacement. Après la mort du premier Satigi Koli Teŋella (1586 ?), l'on compterait bien une trentaine de successeurs, mais reste à savoir si le titre a toujours été transmis de la même manière. Au début, ce pouvoir fut certainement héréditaire, c'est-à-dire dévolu du père au fils aîné, ou bien de l'aîné au cadet. Mais la famille de Koli s'élargissant par la suite, il est probable que le pouvoir aura subi d'importantes rotations, puisqu'il aura pu être transmissible à l'aîné de l'ensemble des descendants mâles du premier Satigi: ce qui équivaut en somme à une sorte de monarchie gérontocratique tournante. Quant aux limites territoriales probablement variables de la couronne des Satigi, ses institutions propres et sa politique effective, ce sont des problèmes demeurés encore tant soit peu obscurs, et que la recherche historique devra tirer au clair.
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