Résumé :
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Les phénomènes de possession chez les Éthiopiens de Gondar saisis par des esprits dits « zars » présentent des caractères ambivalents. Ils peuvent être rattachés au chamanisme classique, mais ils s'ouvrent également sur des conduites à mi-chemin entre la vie pratique et le jeu théâtral. Pour une magicienne bien connue de l'auteur, au cours de son séjour en Éthiopie, « ses zars lui constituaient une sorte de vestiaire de personnalités qu'elle pouvait revêtir selon les nécessités et les hasards divers de son existence quotidienne, personnalités qui lui offraient des comportements et des attitudes tous faits, à mi-chemin entre la vie et le théâtre » (p. 8). C'est ce dernier aspect qui retient particulièrement l'attention de Michel Leiris. C'est cet état hybride, qui participe à la fois à la simulation et à la possession, et qui, de ce fait, éclaire à la fois la simulation et la possession. C'est le mélange du « théâtre vécu » et du « théâtre joué ». Michel Leiris note le moment où la possession du zar aboutit vers de véritables sketches de comédie : « Autour d'un possédé qui donne l'impulsion première, et devient une sorte de meneur de jeu, une comédie vient à s'organiser avec la complicité de tous. » (P. 57.) Il apparaît qu'en passant du théâtre à la ville, la possession du zar se spécialise au sein de confréries, et que le théâtre joué prend plus d'importance par rapport au théâtre vécu. Un rapprochement avec les origines du théâtre grec (se référant au Dionysos de Jeanmaire) ébauche une prudente hypothèse sur l'origine du théâtre, en tant que spectacle différencié. L'auteur se garde bien de développer les réflexions sur les rapports entre la vie sociale et le théâtre que provoque irrésistiblement cette monographie toujours encadrée de suggestions comparatistes, et qui prend discrètement place parmi les ouvrages d'ethnographie les plus féconds à notre connaissance.
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