Résumé :
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Pour introduire ce dossier thématique, nous avons délibérément choisi de penser philosophiquement la politique (et non pas le politique) en Afrique. D’aucuns verront là une ingérence dans le territoire traditionnel de la sociologie politique ou de la science politique. Pourtant, deux raisons principales justifient un tel choix : la première tient au fait que l’on a toujours voulu, depuis Platon et Aristote, cantonner la réflexion philosophique sur le politique, c’est-à-dire à son essence, à ses caractéristiques fondamentales, en distinguant l’aspect normatif de l’aspect positif [1]. Ainsi la réflexion de Platon, dans La République, sur la cité idéale non corruptible a-t-elle conduit à faire de la philosophie politique la science architectonique : pour qu’une cité soit juste, il est indispensable qu’elle soit dirigée par le philosophe ou par le roi qui se serait initié à la science philosophique. La science philosophique et la science politique se définissent de la même manière, comme « l’art de diriger la cité selon la justice ». Contre cette conception du philosophe-roi installé dans la « sagesse théorique » et versé dans la contemplation des essences éternelles du monde intelligible, le Noûs, Aristote adopte une voie médiane. À la « sagesse théorique » réservée à une quantité infime de personnes considérées comme sages et vivant retirées du monde de l’action, il oppose la « sagesse pratique » propre aux individus vivant et agissant avec prudence dans la cité : l’homme est un « animal politique » fait pour vivre en société. C’est en cela que le politique comme genre de savoir rationnel se trouve lié par les contingences historiques propres à chaque société, autrement dit, à la politique en acte. Vue sous cet angle, la philosophie politique contemporaine en Afrique se doit de tenir compte également des visées pratiques du politique pour penser celui-ci dans sa complexité, à la fois comme espace des possibles et comme espace d’expérimentation des conduites humaines sous les aspects individuels et collectifs.
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