Résumé :
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a région du Xinjiang (« Frontière nouvelle »), le Grand Ouest de la Chine, contient la majeure partie des forêts de huyang (Populus diversifolia) de la planète : 360 000 hectares, soit près des deux tiers. Cet arbre est une merveille de la nature, capable de résister aux pires conditions écologiques. Il supporte le sel, qu’il exsude par son écorce. Il supporte l’aridité, avec ses racines qui vont chercher l’eau à près de vingt mètres sous terre ; mais il supporte aussi plusieurs mois d’immersion, pendant la saison des hautes eaux du Tarim, c’est-à-dire les mois d’été car ce fleuve intérieur – aussi puissant que le Danube, mais qui va mourir dans les sables du Lob Nor – a un régime nourri par la fonte estivale des neiges et des glaces du Karakorum, du Pamir et du Tianshan. Cette conjonction des hautes eaux et de la chaleur, propice à la végétation, a fait des abords du Tarim un couloir de vie qui s’allonge sur plus de deux mille kilomètres à travers le désert. À l’état naturel, cette zone est caractérisée par la forêt primaire du huyang. Parmi ses extraordinaires propriétés, celui-ci compte également l’aspect de son feuillage aux formes changeantes, raison qui lui a valu son nom scientifique de Populus diversifolia : un même arbre peut présenter des feuilles si différentes – les unes larges comme celles d’un tremble, les autres plus étroites que celles d’un saule – que l’on croirait d’abord y voir deux arbres. Last but not least, la silhouette du huyang, avec son tronc massif qui, dit-on, met mille ans à grandir, mille ans à mourir, et encore mille ans à se décomposer une fois tombé à terre, marque le pays de manière caractéristique, aussi bien lorsqu’il est en vie – tels ces incroyables paysages lacustres, évoquant en plein désert les bayous de Louisiane, que l’on peut voir sur le cours moyen du Tarim – que lorsqu’il est mort et que, tel une armée de squelettes, il dresse parmi les dunes ou les yardangs ses formes torturées, là où un changement de lit du fleuve a laissé place au désert. D’où sa remarquable capacité de fixation du sable, qui l’a fait surnommer yingxiong shu, « l’arbre paladin » : il est le protecteur des oasis contre le Taklamakan...
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