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Résumé :
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Encore peu investie par la recherche universitaire, l’histoire de l’enregistrement sonore est un domaine extrêmement riche, dont on verra quelques aperçus dans les articles qui constituent ce dossier, à défaut d’une synthèse encore largement prématurée étant donné le caractère protéiforme de ce champ de recherches. Bien malin, en effet, qui pourra dire si cette histoire appartient prioritairement à l’un des domaines consacrés de l’histoire universitaire (l’économique, le social, le politique, le culturel, le religieux), dont les frontières sont trop réductrices pour embrasser un objet qui requiert une multiplicité d’approches ; c’est d’ailleurs l’une des raisons qui expliquent son absence de visibilité dans le paysage historiographique, un lot qu’il partage avec tous les objets de recherche hybrides. Son histoire peut se décliner sur des tons très variés, qui constituent autant de pistes ouvertes aux chercheurs....L’histoire de l’enregistrement est aussi affaire de technique : de ce point de vue, les quelques dispositifs qui servent aujourd’hui de repères à l’historien (cylindre, 78 tours, microsillon, enregistrement électrique, stéréophonie…) ne constituent que la partie émergée d’un iceberg, où l’on trouve d’innombrables innovations qui se sont succédées à une cadence effrénée depuis la fin du 19e siècle, et dont la plupart sont tombées dans l’oubli, comme sont appelés à y tomber la majorité des produits qui inondent chaque année le marché de la musique. L’histoire sociale de l’enregistrement n’est pas moins riche et peut s’envisager de multiples façons : en termes de catégories socioprofessionnelles (l’histoire des musiciens et de l’impact du disque dans le déroulement des carrières), mais aussi en termes de communautés culturelles (les amateurs discophiles et l’apprentissage de l’écoute de la musique enregistrée), de genre (l’usage du disque, notamment dans l’espace privé, est un moyen de pister la construction conjointe des catégories du masculin et du féminin, à travers notamment l’utilisation du dispositif technique), de générations (peut-on faire l’histoire de la jeunesse du baby boom sans faire également celle de ses objets fétiches, dont le disque est l’un des plus importants ?), de microcatégories (ingénieurs du son, musiciens de studio, collectionneurs de disque de jazz 78 tours) ou de masses sociologiques plus importantes (le public de la musique techno).
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