Résumé :
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Le rapprochement des figures de Serge Gainsbourg et de Jean-Marie Le Pen dans un même dossier sur la provocation a de quoi surprendre et choquer. Le statut de l’œuvre d’art donne à son auteur une forme d’immunité qui, suivant l’image classique du fou du roi ou de l’enfant prêt à dire que le roi est nu, autorise à manier la dérision en renversant les valeurs et en dépassant les limites de la morale et du bon goût. En revanche, l’appel à la violence, l’attaque personnelle de ses adversaires, l’usage calculé de l’injure ou des propos renversant de façon choquante ce qui semble admis, tout cela constitue une attitude relevant de la provocation politique qui n’a pas la dignité et la légitimité de la provocation artistique. Faire de la provocation en politique risque de donner à l’instance concernée une valeur d’abord et avant tout esthétique, ce qui, selon l’analyse devenue classique de Walter Benjamin, est un signe de présence du fascisme. Si le terme de fascisme est en grande partie inadéquat, bien des discours racistes, xénophobes, sexistes cherchent une forme de légitimation en se réclamant de la dissidence face à ce qui serait « politiquement correct », sans qu’à aucun moment en France on ait pu définir de façon comparable aux États-Unis à quoi correspond cette « correction ». L’autonomie des instances culturelles et politiques est ainsi une forme de garantie démocratique. Pourtant, l’usage commun du terme de provocation dans le champ esthétique et dans le champ politique implique une réflexion. C’est pour préciser la possibilité d’un dialogue entre histoire politique et histoire culturelle sur ce thème commun de la provocation qu’un colloque a été organisé à l’université Nancy-II en décembre 2003 sous le titre de « Culture de la provocation ». Ce dossier reflète une partie de ce qui s’y est dit. Il sera complété par un ouvrage de réflexion collective à paraître en février 2007 aux Presses universitaires de Nancy. Le fait de rapprocher provocation politique et provocation artistique ne signifie pas que l’approche culturelle mette tout à plat et identifie les deux instances. Le rapprochement permet cependant de préciser l’objet.
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