Résumé :
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La tension entre l’égalité des places et l’égalité des chances est consubstantielle aux sociétés démocratiques : comment concilier l’affirmation de l’égalité fondamentale de tous avec l’existence d’inégalités entre les positions sociales issues de la division du travail et du fonctionnement du capitalisme ? En termes de justice sociale, est-il plus juste de choisir de réduire les inégalités entre les positions sociales, ou bien est-il plus juste de favoriser l’égalité des chances offertes à tous d’accéder à toutes les positions sociales, aussi inégales soient-elles ? Il semble évidemment assez sage de refuser cette alternative et d’affirmer que ces deux formules sont également justes et désirables. Une société peu inégalitaire mais dans laquelle chacun serait enfermé dans sa position sociale initiale ne serait pas plus juste qu’une société plus inégalitaire mais dans laquelle chacun pourrait espérer changer de place en fonction de son mérite. Nous voulons tous une relative égalité des places et une relative égalité des chances. Alors, pourquoi maintenir une alternative de justice qui semble bien artificielle et qui a tout l’air d’un faux débat ? Le fait que ces deux modèles de justice paraissent également désirables n’empêche pas qu’ils sont assez profondément opposés dès lors que l’on raisonne politiquement, c’est-à-dire en termes de priorités dans un monde social où l’on doit nécessairement faire des choix. Quels sont donc les avantages et les inconvénients de ces deux conceptions, sachant qu’elles sont également désirables dans le ciel des principes ? L’évaluation critique de ces deux modèles est d’autant plus indispensable qu’ils ne reposent pas sur les mêmes représentations de la vie sociale, sur la même définition des groupes et des intérêts en jeu. En fait, ces deux conceptions de la justice sont des paradigmes politiques et sociaux qu’il convient d’examiner d’autant plus précisément que le modèle des chances se substitue insensiblement à celui des places et que, aujourd’hui, il est au cœur du dispositif idéologique porté par Nicolas Sarkozy.
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