Résumé :
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La victoire du Hamas aux élections législatives du 25 janvier constitue un événement majeur dans l’histoire agitée du Proche-Orient. Le Hamas accède au pouvoir après avoir battu le Fatah, le parti historique fondé par Yasser Arafat qui résumait à lui seul la lutte des Palestiniens. C’est une page d’histoire qui est tournée. Elle a les allures d’une rupture. Car le combat national des Palestiniens est désormais porté par un courant islamiste dont la Charte, qui date de 1988, jamais amendée, refuse l’existence de l’Etat d’Israël. S’il faut distinguer, comme on peut déjà le pressentir, entre la rhétorique enflammée d’un parti hier encore d’opposition et une approche politique plus souple d’un parti au pouvoir, c’est au Hamas qu’il reviendra clairement de se déterminer face à des réalités qu’il a jusqu’ici idéologiquement niées. C’est à lui, détenteur de la majorité absolue des sièges au Parlement, qu’il appartient d’honorer ou de dénoncer des engagements diplomatiques qu’il a toujours combattus. C’est à lui de décider de l’avenir d’un processus de paix qu’il a toujours refusé mais qui demeure le seul cadre, fragile et pour l’instant bloqué, d’une entente internationalement dessinée et avalisée. C’est à lui, enfin, devenu parti de gouvernement, d’infléchir le cours d’une violence qu’il opposait en recourant à des actions-suicides à celle de l’Etat d’Israël. Le dilemme politique est à la mesure d’une écrasante victoire électorale aussi imprévue qu’impraticable. Sauf, pour le Hamas, à s’atteler à une révision historique de ses objectifs, à une transformation de ses choix et de ses moyens d’action. Mais aussi de sa vision. Car, enraciné dans l’islam, le Hamas revendiquait la terre de la Palestine d’abord comme terre musulmane. Son combat palestinien s’inscrivait plus largement et plus passionnément dans l’élan du renouveau islamiste. Son idéal proclamé demeurait non pas tant l’Etat-nation que l’Etat islamique. Son nationalisme se voulait emblématique d’une mobilisation aux ressorts religieux et aux finalités identitaires. L’hostilité qu’il s’était attirée venait de cette combinaison de militantisme vertueux et de religiosité guerrière. Pour le Fatah, qui s’est longtemps servi contre Israël des surenchères critiques du Hamas, ce dernier avait fini par devenir un dangereux rival. Pour les Israéliens qui avaient encouragé son avènement afin d’affaiblir le chef charismatique de l’OLP, il s’était métamorphosé en ennemi absolu. Pour les Etats-Unis et l’Europe, il représente toujours la quintessence du terrorisme. Pour les régimes politiques arabes, hormis les plus radicaux, il demeure un épouvantail. Pour les Palestiniens il incarnait un radicalisme vengeur, mais, pensait-on, sans horizon. C’est pourtant lui qu’ils ont plébiscité par leurs suffrages. Pourquoi ?
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