Résumé :
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Comment représenter le sida en Afrique du Sud, non pas avec des chiffres, mais avec des vies, non pas seulement en tant qu’il est une maladie avec ses infections opportunistes et ses médicaments coûteux, mais également en tant qu’il s’inscrit dans des histoires individuelles et collectives qui lui donnent sens ? Comment se représenter l’épidémie comme réalité sociale ? Bien sûr, il faut rappeler les statistiques du sida : des taux de contamination inférieurs à 1 % au début des années 1990 et dépassant 20 % une décennie plus tard ; une mortalité devenue plus importante parmi les jeunes adultes que parmi les personnes âgées et donnant une courbe inédite avec un maximum aux âges moyens ; une espérance de vie dont on a estimé que, sous peu, elle reculerait de vingt ans, tout au moins pour la population noire, qui, selon les déclarations alarmistes de certains experts, risquerait à terme de devenir minoritaire dans le pays. Mais ces données ne sont-elles pas précisément irreprésentables ? Bien sûr, il faut appréhender le sida comme une pathologie : la tuberculose en est la manifestation la plus fréquente, souvent méconnue, et la maigreur le signe le plus caractéristique, immédiatement reconnaissable ; les hôpitaux gardent rarement les patients, préférant les renvoyer chez eux pour y mourir ; les antirétroviraux, trop coûteux dans le secteur privé, rarement disponibles dans les structures publiques, demeurent un luxe inaccessible à l’immense majorité de la population. Mais l’expérience de l’affliction se laisse-t-elle représenter dans ce seul langage de la médecine ?
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