Résumé :
|
Oimone Kalis étudie la médecine traditionnelle des Seereer Siin du Sénégal dans son enracinement social et culturel. Elle porte un regard sensible sur les manières populaires d'affronter le malheur, sachant de quoi elle parle pour avoir été elle-même infirmière et avoir longtemps travaillé dans le domaine de la médecine humanitaire. Telle est d'ailleurs l'origine de sa passion pour l'ethnologie. Les démarches de la médecine occidentale auxquelles elle collaborait la remplissait parfois d'insatisfaction face à des gens qui lui parlaient de la maladie en des termes guère recevables par le discours bio-médical. Sa conscience grandissante que cette médecine, malgré son apport, est loin de couvrir l'étendue des besoins sanitaires des populations, et sa rencontre avec des tradipraticiens qui continuaient d'avoir la confiance de leur groupe l'ont un jour incitée à s'intéresser plus précisément à ces savoirs. Pluralisme médical, utilisation conjointe par les malades de savoirs empruntant leur légitimité à des ordres différents, repérage des représentations du corps et de la maladie inhérentes à ces pratiques, parcours des patients, rites thérapeutiques sollicités, etc., Simone Kalis a entamé un itinéraire qui s'est révélé simultanément avoir des conséquences personnelles quand, un jour, un maître du culte, guérisseur et devin, s'est fait le porte-parole de sa mère décédée quand elle était enfant. Mais tel n'est pas le propos et Simone Kalis ne s'y attarde pas.
Au cours d'un long travail de terrain elle a interrogé une centaine de guérisseurs seereer, ayant noué par ailleurs une relation d'amitié avec un des maîtres du culte et guérisseur célèbre dans sa région. Avec les Diola de Casamance, les Seereer du Sénégal restent très proches des cultes des ancêtres malgré la présence de l'islam et du christianisme. Dans ce contexte, anthropologie médicale et anthropologie religieuse sont d'autant plus imbriquées que les guérisseurs sont également maîtres du culte. La médecine traditionnelle seerer se situe au croisement d'un jeu de force : d'un côté les conséquences disruptives de l'agression (homme, ancêtre ou génie), de l'autre la restauration opérée par le guérisseur. Celui- ci confère un sens à l'épreuve subie par le malade et il le soigne selon les indications données par les ancêtres lors des rites de divination et au moyen d'une action peutique. Son efficacité n'est pas seulement de l'ordre d'une technique du corps, elle tient surtout à la qualité de la relation établie avec le patient et à son habileté à interroger les ancêtres. Si la démarche thérapeutique n'aboutit pas, le rituel n'est pas en cause : l'échec est analysé comme l'effet d'un manquement à son observance ou bien imputé à une négligence du malade. Au fil d'une écriture claire, avec le sens du détail, Simone Kalis analyse les représentations du monde, de la personne, du corps, de la maladie, et les stratégies thérapeutiques des Seereer. Le dernier chapitre est consacré aux pathologies infantiles et offre au lecteur une contribution notable à l'anthropologie médicale.
|